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Informations
Présentation
Court métrage – 14’23 – 2023
Réalisation : Florence Miailhe
Scénario : Florence Miailhe
Production : Sacrebleu Productions & Xbo Films
Technique : Peinture À L’huile Sur Toile
Animation : Florence Miailhe, Aurore Peuffier, Chloé Sorin
Musique & Son : Pierre Oberkampf
Montage : Nassim Gordji-Tehrani
Synopsis _
Dans la mer, un homme nage. Au fur et à mesure de sa progression les souvenirs remontent à la surface. De sa petite enfance à sa vie d’homme, tous ses souvenirs sont liés à l’eau. Certains sont heureux, d’autres glorieux, d’autres traumatiques. Cette histoire sera celle de sa dernière nage. Elle nous mènera de la source à la rivière – des eaux des bassins de l’enfance à ceux des piscines – d’un pays d’Afrique du nord aux rivages de la Méditerranée – des stades olympiques aux bassins de rétention d’eau – des camp de concentration aux plages rêvées de la Réunion. L’homme finira par disparaitre dans le bleu infini de la mer.
La production _
Le film a été co-produit par deux sociétés de production spécialisées en animation, Sacrebleu à Paris et XBO Films à Toulouse. Florence Miailhe peint les décors sur toile en 2022, puis anime durant 6 mois en 2023 avec les animatrices Aurore Peuffier et Chloé Sorin, qui avaient déjà collaboré à La Traversée, son précédent long métrage, de même que la monteuse Nassim Gordji-Tehrani.
Je n’ai pas eu de difficultés particulières pour la production du film. Ron Dyens, le producteur a tout de suite été partant et nous avons assez rapidement trouvé les partenaires financiers. Luc Camilli qui était aussi coproducteur de La Traversée c’est joint au projet sans hésiter. J’avais une idée très précise du film. Pour l’animation j’ai travaillé avec deux jeunes femmes qui avaient déjà animé sur La traversée et je savais ce que je pouvais attendre d’elles. Comme toujours quand je confie l’animation il y a des surprises et des résultat inattendus. Elles sont souvent plus patientes que moi et vont plus loin parfois dans la précision d’un mouvement.
FLORENCE MIAILHE
Entretien radiophonique
avec Luc Camilli sur Radio Présence _
Luc Camilli présente Xbo Films et les différentes étapes de la création de Papillon , le film court de Florence Miailhe.
Entretien avec Florence Miailhe
lors de l'édition 2024 du MIFA _
Florence Miailhe parle de son court métrage Papillon à l’occasion du Festival international du film d’animation d’Annecy 2024.
La genèse du projet
Comme souvent dans l’œuvre de Florence Miailhe, le désir de film résulte d’un lien avec son environnement proche et son histoire familiale. Elle raconte que lorsqu’elle était enfant, ses parents l’emmenaient à la plage de Leucate, près de Narbonne. Son moniteur s’appelait William Nakache. Le père de la jeune fille, qui avait été résistant à Toulouse durant la Seconde Guerre mondiale, lui disait que William était le frère d’Alfred Nakache, le champion du monde de nage papillon, qu’il avait connu à Toulouse. “Je savais qu’il l’admirait. Un jour, Alfred Nakache est venu sur la plage, et mon père me l’a présenté.”
L’autre motivation du film est la passion de la réalisatrice pour l’eau, qui est un motif récurrent de l’œuvre de Florence Miailhe, depuis son premier court métrage : “J’ai toujours adoré l’eau. Je m’y sens dans mon élément. Petite, je passais une partie des vacances au bord de la mer et l’autre dans la maison familiale au bord d’une rivière. On y pêchait, on s’y baignait, on s’y retrouvait. Le bruit de l’eau, murmure ou grondement, faisait partie de notre quotidien. Plus tard, j’ai essayé de la dessiner. Cette même rivière a détruit une partie de ma maison.”
Je travaillais sur le développement de mon long métrage, La Traversée et nous avions du mal avec ma productrice Dora Benousilio à boucler le budget. J’ai commencé à chercher une idée pour un autre projet. Je ne sais pas pourquoi, m’est revenu en mémoire, le fait que mon père connaissait un champion de natation, Alfred Nakache, dont il me parlait souvent quand j’avais dix ans. C’était le grand frère de notre moniteur de natation William, au club Mickey à Leucate. Alfred et mon père s’étaient rencontrés pendant la guerre à Toulouse, où mon père était dans la résistance. Ce souvenir m’a fait chercher sur internet qui était ce champion du monde que mon père admirait tant et je suis tombée sur son histoire. Ça a été une évidence. Tout m’inspirait. Sa passion pour l’eau, son destin dramatique inscrit dans l’histoire de la seconde guerre mondiale, son courage, sa résilience…et aussi le fait que c’était son jeune frère qui m‘avait appris sans doute la même nage papillon que celle qu’il pratiquait.
FLORENCE MIAILHE
Intention du film_
En commençant le film je voulais parler du courage d’un homme face à la tragédie de son histoire personnelle confrontée à la tragédie de l’Histoire. Je voulais aussi parler de cet amour de la nage qui l’a sans doute aidé à traverser les épreuves. Je voulais parler d’un homme qui a passé sa vie dans l’eau et le raconter comme une légende, un conte. Il était une fois un homme qui a grandi dans l’eau et qui y est mort.
J’aimerais que l’on en retienne la nécessité de mémoire de ces périodes historiques. On parle beaucoup aujourd’hui de déchéance de nationalité, mais on ne sait pas toujours que pendant le régime de Vichy, les juifs algériens ont été déchu de la nationalité française. Qu’il faut toujours être vigilant face au racisme, à l’antisémitisme, aux discriminations d’où qu’elles viennent. J’ai commencé à penser à ce film en 2015. Depuis, hélas, il me semble de plus en plus d’actualité..
FLORENCE MIAILHE
Reviews
En savoir plus sur Alfred Nakache _
Alfred Nakache : le nageur d'Auschwitz
France Inter
Emission : L’oeil du tigre
éléments de fabrication
Rencontre avec Florence Miailhe _
Arte
Emission : Court-Circuit
La peinture animée _
L’animation directe sous caméra est la technique utilisée par Florence Miailhe depuis son premier film (voir https://latraversee.occitanie-films.fr/le-film/). C’est une technique qui permet une part d’improvisation, avec un mouvement qui s’invente au fur et à mesure de sa progression. C’est donc une animation qui intègre les accidents au lieu de les masquer, ces accidents donnant une matière plus vivante. e
Pour Papillon, Florence Miailhe a expérimenté une technique différente de La Traversée, peinte sur verre : le film est animé directement sur les décors peints sur toile. La peinture à l’huile est recouverte d’un vernis qui permet de retravailler ou effacer les personnages.
Une vitre peut être disposée au-dessus pour pouvoir réaliser des effets de corps mouillés.
Le décor est tendu sur le banc titre. Comme la toile est poreuse, lorsqu’on efface le personnage, il en reste une trace, tandis qu’avec le sable ou le verre, les dessins disparaissent complètement à chaque transformation. Dans Papillon, il reste les dernières images de chaque séquence sur une toile.
Les techniques d’animation que j’utilise sont des techniques d’animation directe sous la caméra. Que ce soit avec de la peinture à l’huile sur verre, du sable, du pastel. On appelle ça de la stop motion, mais en ce qui concerne mes films c’est en 2D. Pour Papillon, j’ai travaillé l’animation à la peinture à l’huile sur des toiles. Nous y avons préalablement peint les décors. Ces décors étaient recouverts d’une couche de vernis pour les protéger et animer les personnages directement. Au-dessus de la toile nous avions une vitre pour faire les parties des corps hors de l’eau et les effets. Les corps des nageurs pouvaient être partiellement effacé ce qui donnait l’impression de la transparence de l’eau ou au contraire leur disparition dans des eaux troubles.
J’aime la matière que l’on obtient quand on travaille directement. L’invention que cela permet tout au long du travail d’animation. J’aime aussi les surprises, les hasards, les accidents que cette technique introduit dans le processus si lent de l’animation. J’aime aussi que chaque image puisse être exécutée rapidement et directement avec le rendu final.
FLORENCE MIAILHE
L’eau _
Je voulais que tout le film et les souvenirs de Nakache soient liés à l’eau. Pour cela il a fallu transformer un ou deux épisodes de sa vie. Ensuite il fallait faire attention à la compréhension de l’ensemble avec tous les retours en arrière. Le plus difficile pour l’animation c’était le côté répétitif de la nage avec une technique qui ne permet pas trop de faire des boucles et la lenteur de certains mouvements sous l’eau.
Je voulais que l’on comprenne les différentes symboliques de l’eau, son côté multiforme. Chaque « eau » était traitée différemment. La mer, les eaux claires et transparentes de l’enfance, les eaux troubles des camps, la mer des amoureux …
La représentation de l’eau est passionnante. Parfois, ce qui permet de voir l’eau c’est juste la déformation provoquée par les ondes sur les cailloux au fond d’une rivière. Parfois les corps sont juste déformés sous l’eau, parfois ils sont tronqués. On ne voit qu’un bras, une tête…
Ensuite, on trouvait des astuces techniques pour représenter ces différents états de l’eau. De l’huile, animée sur la vitre au-dessus des décors, les nageurs qui passaient de dessus à dessous avec des couleurs qui changeaient un peu. L’utilisation très expérimentale d’eau savonneuse…
FLORENCE MIAILHE
La musique & le son _
Pierre Oberkampf est un compositeur et créateur sonore français. Multi-instrumentiste, il a signé la musique originale d’une cinquantaine de courts métrages dont les films d’animation L’heure de l’Ours d’Agnès Patron (Sélection officielle Cannes 2019, César du meilleur court métrage d’animation 2021, prix de la meilleure musique au festival Music&Cinema Marseille), Noir-Soleil de Marie Larrivé (Semaine de la Critique 2021), Letter to a pig de Tal Kantor (nommé aux Oscars 2024), ou Papillon de Florence Miailhe (Ours de cristal à la Berlinale 2024). Il a récemment composé la musique originale des longs métrages de fiction Girls will be girls de Shuchi Talati (primé à Sundance 2024) et Highway 65 de Maya Dreifuss (Grand prix Reims Polar 2024).
Pierre Oberkampf a débuté par des musiques de films de fin d’études pour ses camarades étudiants en cinéma d’animation aux Arts Décoratifs de Paris. Il se dit très inspiré par les bandes originales de Jonnhy Greenwood pour Paul Thomas Anderson. La première étape de la collaboration avec un réalisateur ou une réalisatrice réside pour lui en une rencontre, du temps passé à comprendre sa manière de parler et de penser. Après un stade solitaire pour enregistrer et partager des musiques, le duo choisit ensuite les directions intéressantes. “J’aime travailler le son et la musique en même temps. En animation, la plupart du temps, il n’y a pas de tournage sonore; il faut tout créer de zéro, et tout le champ des possibles est ouvert. Il y a donc beaucoup de bruitages et d’atmosphères sonores que l’on peut créer avec le son des instruments. “
Le compositeur Pierre Oberkampf a fourni des musiques en amont, l’animation a donc été réalisée sur une maquette musicale, finalisée une fois le film terminé. Florence Miailhe souhaitait en effet “que l’animation et la musique aillent de pair, dans le même souffle, afin que l’on plonge dans les souvenirs grâce à la musique”.
Le musicien a également réalisé le design sonore, c’est-à-dire l’ensemble des bruitages.
Je connais Pierre depuis longtemps car il a travaillé pour les films d’Agnès Patron, sa femme, qui était une de mes étudiantes à l’ENSAD. J’ai fait un essai avec lui à l’occasion de la bande annonce du festival de Buchéon. Et cet essai m’a convaincue. Il a une grande sensibilité. Il était là à l’origine du projet. Nous avons parlé des émotions qu’il fallait faire passer. De la respiration du nageur, du son en général (il a fait aussi le design sonore du film). Quand nous avons fait le montage de l’animatique avec Nassim Gordji -Tehrani nous avons choisi les moments où ils nous semblaient que la musique allait apporter une autre dimension à l’image et nous lui avons demandé de nous donner des maquettes. Il est reparti de ses essais pour composer la musique une fois que nous avons eu terminé l’animation et le montage définitif. La dernière touche a été l’enregistrement de la clarinette basse, pour donner le souffle de l’instrument au nageur. J’ai été très contente de cette collaboration. Pierre est très à l’écoute. La musique ne doit pas envahir l’image mais doit apporter une autre dimension. Parfois elle aide à la compréhension du film. Elle nous a permis de rentrer dans les souvenirs de Nakache dans son ressenti.
FLORENCE MIAILHE
Sélections _
Bucheon International Animation Festival (BIAF) 2024 (Corée du Sud) / Animasyros 2024 (Grèce) / Rencontres cinéma de Gindou 2024 (France) / Sao Paulo International Film Festival 2024 (Brésil) / Animatou 2024 (Suisse) / Festival War on Screen 2024 (France) / Festival International du Court métrage de Lille 2024 (France) / Girona Film Festival 2024 (Espagne) / Animaphix 2024 (Italie) / Festival du Film court en Plein air de Grenoble 2024 (France) / Curtas vila do Conde 2024 (Portugal) / Hiroshima Animation Season 2024 (Japon) / Imagineria International Animated Film Festival 2024 (Italie) / Festival International du Film Francophone de Namur 2024 (Belgique) / Olympia International Film Festival 2024 (Grèce) / Short Shorts Film Festival & Asia 2024 (Japon) / FICAM 2024 (Maroc) / Junges Kurzfilm Festival 2024 (Allemagne) / Annecy Festival 2024 (France) / Reykjavík International Film Festival 2024 (Islande) / Champs-Élysées Film Festival 2024 (France) / Animafest 2024 (Croatie) / Itinérances 2024 (France) / Berlinale 2024 (Allemagne)
Reviews
Prix & sélections en festivals
Récompenses _
Ours de Cristal à la Berlinale 2024 (Allemagne)
Prix du Public FICAM 2024 (Maroc)
Prix André Martin au Festival international du Film d’Animation d’Annecy (France)
Prix du Meilleur Film en Peinture Animée à Animaphix 2024 (Italie)
analyse du film
Pourquoi montrer ce film à un jeune public _
Papillon raconte une histoire incroyable, celle d’un des plus grands nageurs français. Venu d’Algérie en France en 1915 pour sa carrière, Alfred Nakache a obtenu le record mondial de la nage papillon. Il a subi les lois anti-juives avant d’être déporté à Auschwitz. À son retour des camps, il reprend la compétition et gagne à nouveau des titres de champion.
Ce film permet de réfléchir sur l’antisémitisme, la discrimination dans le sport, mais aussi la solidarité et la résilience après un traumatisme. C’est un homme brisé par l’Histoire mais à qui sa passion pour la nage et l’eau ont redonné goût à la vie.
Mots clés : Natation, Déportation, Mémoire
Entrées thématiques _
Le film d’une vie _
Ce film, qui synthétise une existence en un quart d’heure, est construit en quatre actes : l’enfance du héros en Algérie, la carrière du champion et la rencontre avec sa femme, les lois anti-juives et la déportation, enfin le retour. Le protagoniste se souvient des grands événements qui ont marqué son existence, comme s’il revivait le film de sa vie avant sa mort.
Il s’agit donc d’un montage parallèle du présent et du passé, entre un Alfred Nakache aux cheveux grisonnants, dont nous suivons la nage et la respiration, et les différents souvenirs qui le traversent à la veille de sa mort. Le retour régulier au vieil homme nageant permet de créer des ellipses temporelles, tout en reliant l’ensemble de ces flashbacks, formant un même récit biographique cohérent.
Pour passer d’un événement à un autre, outre le montage parallèle qui structure le récit, le film déploie tout un arsenal de transitions et d’effets de montages. Parfois, il s’agit d’indices visuels et sonores : ainsi, lorsque le vieux Nakache plonge pour la première fois, passent en contrechamp un banc de poisson, puis des araignées d’eau qui installent un changement de lieu et d’époque, confirmé par la bande sonore : un son cristallin, des rumeurs de voix, d’oiseaux, annoncent le retour dans l’âge d’or de l’enfance. D’autres fois, la réalisatrice a recours à des effets plastiques, comme un rideau d’écume en guise de coupe; elle use aussi volontiers de la transformation du décor, la mer devenant par exemple un bassin de natation. Comme l’a précisé Florence Miailhe dans sa note d’intention, “les métamorphoses de l’eau nous serviront de portes pour passer d’un épisode de sa vie à un autre.”
- L’art de la synthèse : dans la séquence qui débute avec le bateau qui navigue vers la France, qui va de 5min08 à 6min, identifier les différents épisodes de vie, les informations et les émotions traversées, puis les moyens employés par la réalisatrice pour effectuer les passages de l’un à l’autre : effets plastiques, sonores, mouvements de caméra, etc.
Le rapport à l’eau _
Le film est baigné dans l’élément aquatique et rythmé par lui. C’est la chorégraphie des mouvements de nage qui fait surgir et dissoudre les souvenirs, la mer fonctionnant comme métaphore du travail de la mémoire. C’est aussi l’eau qui détermine les choix narratifs et la façon dont ils sont racontés : ainsi la rencontre avec sa future femme a lieu dans un bassin olympique, et la métaphore du coup de foudre s’opère lorsque les cheveux de la nageuse se transforment en eau dans laquelle plonge Nakache.
L’eau est un ressort narratif capable de porter des affects variés. Dans l’enfance du champion lavé par sa mère, elle est synonyme de communauté humaine et de bien-être physique. Son potentiel érotique est aussi exploité : le coup de foudre d’Alfred pour sa femme a lieu au bord d’un bassin. Mais l’eau peut aussi amener des événements tragiques, comme la tempête lors de la tentative de fuite hors de France, ou traumatique lorsque la phobie aquatique du jeune enfant est suggérée au début du récit.
Comme l’exprime Florence Miailhe, l’eau est enfin un support de fiction et de métamorphose privilégié : “L’eau porte dans sa matière même une dimension allégorique, une dimension de fantasme et d’imagination. Elle amène la fraîcheur, la gaieté, le plaisir… Mais son calme apparent peut cacher dans ses profondeurs, les plus sombres secrets, les monstres les plus terrifiants, les peurs les plus tenaces. L’eau est trompeuse. Et si elle se laisse pénétrer, elle ne se laisse pas pour autant deviner. Est-ce que ce que l’on voit est le ciel, ou son reflet ? L’homme qui nage peut tout aussi bien avoir l’air de voler que de sombrer.”
- La symbolique de l’eau : le langage courant est truffé d’expressions liées à l’eau, qui font référence à des émotions, des sensations ou des comportements : nager en eaux troubles, se laisser couler, être submergé, remonter à la surface, surnager, tomber à l’eau, comme un poisson dans l’eau, être sous l’eau, l’eau a coulé sous les ponts… Trouvez des scènes ou des plans dans le film qui illustrent, symbolisent ou utilisent la connotation de ces expressions connues autour de l’eau.
Du documentaire au mythe _
La dimension documentaire de Papillon réside dans le récit d’une histoire vraie, évoquant avec précision des événements historiques tels que la montée de l’antisémitisme, les lois anti-juives, les jeux olympiques de Berlin en 1936, la déportation à Auschwitz.
Les films de Florence Miailhe sont souvent construits à partir d’un fait social documenté qui prend des accents mythiques ou fabuleux. Dans le cas de Papillon, son objectif était de “raconter cette histoire vraie comme une légende”, qui pourrait commencer par « il était une fois un homme qui a passé sa vie dans l’eau, son surnom était Artem, poisson en hébreu.” Chaque étape de vie devient alors une épreuve à surmonter par le héros, représentée par des allégories et métaphores visuelles déployées par la cinéaste.
Ainsi lorsque les deux amoureux partent en France en bateau, ils sont accompagnés par des mouettes symboles de liberté. Cet espoir d’un avenir radieux laisse place aux deux oiseaux blanc et rouge, qui se donnent des coups de bec avant de se muer en deux nageurs aux couleurs de peau différentes, dont l’un refuse la main tendue de l’autre. Ceux-ci deviennent eux-mêmes les symboles de la guerre mondiale et de ses conflits entre les peuples.
Lors de la séquence d’ouverture, un papillon jaune flottant dans l’eau est sauvé par un enfant : on comprend qu’il s’agit de la même personne que le vieil homme du plan précédent, tous deux reliés par le patronyme de Papillon. Nom de la nage qui a rendu Nakache célèbre, le papillon symbolise la métamorphose de la chrysalide, mais aussi celle de l’enfant en héros. Le nageur Nakache renait lui aussi dans ce récit, à la manière des héros grecs passant à la postérité sous la forme d’un mythe ou d’une constellation.
- Naissance d’un mythe : Repérez et citez d’autres symboles, images et transformations qui permettent de comprendre la portée universelle des épreuves traversées par le héros.
une oeuvre en écho : Jean-François _
De Tom Haugomat et Bruno Mangyoku, 2009 (6’, Cube creative)
Jean-François est un champion de natation reconnu et consacré. Mais la nostalgie le hante, celle des souvenirs de son enfance en bord de mer, là où naquit sa passion pour le monde aquatique. Le court métrage est construit, comme Papillon, sur un montage alterné entre l’existence actuelle du champion et ses souvenirs d’enfance, mais la destinée de champion, loin d’être synonyme d’héroïsme, n’amène que perte de sens et de désir. Ce film permet de comparer deux traitements animés d’un même sujet, ainsi que l’utilisation des coupes, transitions et symboles nécessaires à l’exercice de synthèse du court métrage.
Lien : https://vimeo.com/26726530
Comment rendre compte d’une vie ? Peut-on se contenter des faits réels ? Quels sont les événements, les émotions et les sensations qui rendent compte d’une existence avec justesse ? Les métaphores peuvent-elles apporter une meilleure compréhension des choses vécues ?
Sur le même principe que Papillon, il s’agira de synthétiser une vie en quelques images : récolter le récit de vie d’une personne âgée. Sélectionner trois événements ou souvenirs. Trouver trois images, photos, ou illustrations, qui permettent d’évoquer chaque étape. En quoi pourraient se transformer ces trois images (en paysages, objets, animaux… ?) pour qu’ils symbolisent quelque chose d’une étape de vie de la personne et d’une métamorphose ? Ou d’un moment clé dans sa vie ?
Prolongements
Analyse de séquence _
Après Auschwitz, le deuil et la renaissance_
Le dernier acte du film, celui du retour de déportation et du deuil, s’ouvre par une séquence de retour à la vie qui s’opère à deux niveaux, physique et mental. Le nageur doit à la fois se relever d’un corps affaibli, de la perte de ses proches, et du traumatisme de la déportation. Cette renaissance oppose à chaque fois une stagnation, un flottement, à un mouvement dynamique de remontée vers la surface.
Textes
Cécile Noesser : Spécialiste du cinéma d’animation, docteure en sociologie de la culture, Cécile Noesser mène en parallèle activités de recherche, d’enseignement, de programmation et de coordination dans le domaine du cinéma d’animation.